Interview avec Chris De Roock: Le bois labellisé PEFC : premier maillon de l'économie circulaire

L’industrie du bois et de l’ameublement mise pleinement sur la durabilité, grandement marquée par l’innovation et l’économie circulaire. « L'économie circulaire doit s'observer dans toutes les phases du cycle de vie des produits, et le bois labellisé représente à cet égard une première étape nécessaire », raconte Chris De Roock, General Manager du centre des connaissances WOOD.BE.

Nous observons une pénurie de bois qui a été exacerbée par la pandémie de coronavirus. Le passage au bois local peut-il constituer une solution ?

Cette pénurie, qui touche aussi bien le bois massif que les panneaux, s’observe aux quatre coins du monde. La demande en bois y est énorme, et des pays comme la Chine et les États-Unis achètent des matériaux, y compris en Europe. L’année passée, la demande a été plus forte, y compris chez nous. De leur côté, les matériaux destinés aux aménagements intérieur et extérieur ont connu un essor considérable. En pensant de plus en plus à « acheter local », nous ferons certes la part belle à notre économie locale, mais la pénurie de matériaux ne sera pas résolue pour autant. Cela dit, je salue l'intérêt accru du secteur pour le bois local, qui se traduit notamment par l’abandon du bois tropical au profit du bois modifié thermiquement, plus proche de chez nous.

En quoi le bois permet-il de lutter contre le changement climatique ?

Le bois est un matériau renouvelable et durable qui absorbe du CO2 tout au long de son existence. À titre d’exemple, 1 m³ de chêne absorbe 1,3 tonne de CO2 au cours de sa croissance, soit les émissions d’une voiture parcourant 8700 kilomètres, ou la consommation électrique de 2 foyers au cours d’une année. En prenant le même volume de PVC, on constate alors une émission de 8 tonnes de CO2 lors de sa production. Pour ce qui est de l’aluminium, ce nombre s’élève même à 44 tonnes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le bois, en tant que matière première, joue un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique. Si l’on se penche maintenant sur l’absorption de ce CO2, on remarque alors que le bois peut le retenir pendant des décennies. En rejoignant l’économie circulaire, marquée par la réutilisation et le recyclage, nous pouvons faire en sorte que ce CO2 reste emprisonné dans les produits en bois durables pendant 80 à 100 ans.

L'économie circulaire est donc l'avenir d'un secteur du bois et de l'ameublement durable ?

Évidemment ! Mais il y a encore du pain sur la planche. Nous menons actuellement des projets de recherche qui analysent la manière de rendre des produits circulaires. Optimiser l'efficacité des matériaux, aussi bien pour l'ensemble du produit que pour ses composants et matériaux individuels, est la clé du succès. Trois leviers reviennent systématiquement quand on parle d'écoconception et de conception pour le recyclage : une sélection durable des matériaux, une structure modulaire du produit et des modèles commerciaux circulaires.

Quel rôle le bois labellisé PEFC joue-t-il dans l'économie circulaire ?

Le bois labellisé y contribue positivement. En effet, vous prêtez attention à l'aspect durable dès la phase d'achat. Toutefois, le bois provenant de forêts gérées durablement est une condition sine qua non pour parvenir à un modèle circulaire, bien qu’insuffisante à elle seule. L'économie circulaire s’observe alors dans toutes les phases du cycle de vie d'un produit : achat, conception, production, distribution et end of cycle.

La construction circulaire prend sa source dans la conception circulaire. Où se situe la Flandre à cet égard ?

Elle s’en tire bien, mais elle peut encore mieux faire. Un post-graduat en construction circulaire a déjà vu le jour, ce qui est une bonne chose. Mais il importe aussi d’intégrer la construction circulaire dans la formation de base des architectes. De nouvelles méthodes de construction, à l’instar du Cross Laminated Timber (CLT), pourraient également y trouver leur place. Mais il est certain que la transposition des principes d'écoconception de l'industrie dans la conception des bâtiments est également importante, et mérite l'attention nécessaire. En outre, les atouts du bois en tant que matériau de construction méritent d’être davantage mis en évidence dans la formation des architectes.

Comment voyez-vous l'avenir du bois labellisé, et quels sont les grands défis à relever ?

De plus en plus d’entreprises décrochent la certification, c’est de bon augure pour l’avenir. Le grand défi qui se pose : convaincre l'ensemble de la chaîne de valeur à se joindre au mouvement. Si certaines entreprises n’emboîtent pas le pas, c’est tout le reste de la chaîne qui sera fragilisé. Il en va de même si le maillon situé juste avant le consommateur final n’a pas de certification. Dans pareil cas, le consommateur ne sera pas convaincu par votre ambition de gestion durable des forêts, ce qui est assez regrettable. Cela dit, nous constatons bel et bien une demande accrue de produits labellisés, tant de la part des particuliers que, surtout, des professionnels. Qui plus est, le bois labellisé est devenu un incontournable dans toutes sortes de cahiers des charges. S’il ne vous est pas possible de répondre à la demande, vous êtes alors hors jeu.

Il est donc plus que jamais nécessaire de passer le mot ?

Je pense en effet que le secteur du bois investit déjà beaucoup dans la durabilité, mais il est important de passer le mot aux architectes, maîtres d'ouvrage et consommateurs finaux, par exemple. Si le secteur veut tirer parti de ces atouts, il doit unir ses forces, notamment via des campagnes collectives.

Pour en savoir plus : www.pefc.be